NewsLetterOnline.net Flash - 21/12/2005

Comme prévu, les députés examinent actuellement le projet de loi DADVSI (droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information), malgré les nombreuses demandes de rejet, comme par exemple récemment celui du syndicat des journalistes (SNJ). Pour répondre au tollé grandissant, la gouvernement a mis en place un espace d'information ( http://www.culture.gouv.fr/culture/1206/ ) qui flirte dangereusement avec la désinformation (en particulier concernant les DRM) et reste silencieux sur certains points contestables (logiciels libres, webradios).

Le débat a plutôt mal débuté à l'Assemblée Nationale, puisque le ministère de la culture avait invité à proximité de l'hémicycle des représentants des sites de téléchargement payants de musique de Virgin et de la Fnac, qui offraient des bons de téléchargement gratuits de 9.99 € aux députés. Cette opération publicitaire a déclenché un scandale dans les rangs du parti socialiste, qui a demandé (et obtenu) au président du parlement de faire cesser cette intrusion commerciale jugée "inqualifiable et scandaleuse".

Pour rattraper ce mauvais départ, le ministre de la Culture a annoncé qu'après un an de négociations, l'AFA (Association des Fournisseurs d'Accès à Internet) et les professionnels de l'audiovisuel (France Televisions, Canal+) et du cinéma avaient enfin réussi à se mettre d'accord concernant le délai de disponibilité des films dans les services VoD : ce sera 33 semaines (soit un peu plus de 7 mois) après leur sortie en salles, donc juste après la disponibilité en DVD en vente ou location (6 mois) et juste avant la disponibilité en pay per view (9 mois). En outre, le protocole d'accord prévoit plusieurs modèles de commercialisation (à l'unité, en pack, et par abonnement limité à 15 films par mois, sous forme de location de 24 heures en streaming ou en vente dématérialisé). En contrepartie, les FAI s'engagent à rémunérer les ayants droit à hauteur de 50 % pour les nouveautés et 30 % pour les œuvres de catalogue. De plus, les FAI contribueront au financement du cinéma européen, en fonction des revenus réalisés par l'opérateur de la plateforme de VoD : 5 % (dont 3.5 % pour les œuvres en langue française) pour un chiffre d'affaires compris entre 1.5 et 3 millions d'euros, et 8 % au-delà. Si le ministre se satisfait de l'accord, on peut toutefois souligner qu'il n'est valable que pour 12 mois, et que la chronologie des médias choisie devrait être très défavorable aux services de VoD. En effet, les films seront proposés à 3 € l'unité (ou 4 € pour les nouveautés), alors qu'ils seront déjà disponibles en location depuis près de 2 mois à un prix inférieur... Pire : les chaines de télévision ont obtenu que les offres de VoD par abonnement ne concernent que les œuvres de catalogue (sorties depuis plus de 36 mois).

Rappelons que pour obtenir cet accord, le ministère de la Culture avait promis aux ayants droit la mise en place de la fameuse "riposte graduée" dans la loi DADVSI, pour contourner les refus de la CNIL. Et c'est ce qui a déclenché un second scandale dans l'hémicycle. En effet, le gouvernement a déposé en catastrophe l'amendement 228 concernant ce principe, qui rendrait responsable les internautes de toute utilisation de leur abonnement Internet (y compris par des tiers). Il faut d'ailleurs noter que la première version de l'amendement rendait responsable l'internaute même s'il téléchargeait par erreur ou à son insu un fichier sous copyright... Un traçage systématique des internautes serait donc mis en place, avec en parallèle un enregistrement automatique des adresses IP, ce qui permettrait aux majors d'envoyer des mises en demeure en cas d'infraction. Mais le plus incroyable serait la mise en place d'une commission administrative indépendante, où les majors pourraient traduire les internautes récidivistes. Ce comité de médiation serait autorisé à prononcer des amendes comprises entre 150 et 15.000 €, sans que l'internaute ne puisse être défendu par un avocat ! D'ailleurs, une condamnation par cette commission ne garantirait pas que les internautes ne puissent par la suite être poursuivis au civil, voire au pénal... Cette nouvelle "police d'Internet", mise en place en toute discrétion par le ministère de la Culture, bouleverserait le système judiciaire actuel. Si jamais une telle mesure était adoptée par l'Assemblée Nationale, il y a de fortes chances que le Conseil Constitutionnel ou la CNIL la bloque définitivement.

C'est donc dans une atmosphère plutôt houleuse qu'a débuté l'étude du texte et des premiers amendements, dont deux amendements identiques (153 et 154) qui introduisent la fameuse "licence globale optionnelle", qui permettrait aux internautes qui le souhaitent de télécharger des fichiers sous copyright en versant une redevance aux ayants droit (environ 4 à 7 € par mois), ce qui légaliserait donc les téléchargements (en peer-to-peer, FTP, newsgroups...) en étendant à Internet l'exception pour copie privée. Un texte a été présenté par le parti socialiste et défendu par le député PS Patrick Bloche avec le soutien du parti communiste, tandis que le second a été soumis par le député UMP Alain Suguenot et soutenu par Christine Boutin. Et, à la surprise générale, les 2 textes ont été adoptés par 30 voix contre 28, au grand désarroi du ministre de la Culture et du rapporteur du projet de loi. Plus exactement, les amendements indiquent qu'un "auteur ne peut interdire les reproductions effectuées sur tout support à partir d'un service de communication en ligne par une personne physique pour son usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à l'exception des copies d'un logiciel autres que la copie de sauvegarde, à condition que ces reproductions fassent l'objet d'une rémunération". Notez que cette loi ne légalise pour le moment que le download, et non l'upload.

Toutefois, ce texte n'est pas encore définitivement adopté. Il reste en effet encore de nombreux amendements à étudier ce 22 décembre, et le projet de loi modifié sera ensuite soumis au Sénat pour une dernière lecture. Le débat est donc très loin d'être clos, et les rebondissements seront certainement au rendez-vous. A suivre... dans la prochaine newsletter.